credits: @lindanguon
HONG KONG, UNE VILLE INCROYABLE.
Un brouhaha incessant, des lumières de parts et d’autres, des grattes ciels dominaient la ville, le monde, la vie. Je me rappelle lorsque je suis arrivée à Hong Kong la première fois, je trouvais l’architecture et l’émulsion de la ville fascinante. Un mix entre traditions et modernités où se côtoyaient de vieux immeubles délabrés aux tours de verre modernes et étincelantes.
Des gens de tous horizons, d’Europe, des Etats Unis, d’Asie, d’Afrique qui se bousculaient, trinquaient dans les rues. Je ressentais toute l’intensité de la ville par l’odeur du poisson qui séchaient sur les trottoirs de Sheung Wan, le ding ding de la traversée du tramway, la fumée de l’encens des temples au milieu des barres d’immeubles, les lumières de ces enseignes qui s’accumulaient dans le paysage urbain de Mongkok.
Le brouhaha du peuple qui parlait tantôt Cantonnais, Mandarin, Anglais, Français, Indien, Philippin, Indonésien (le Bahasa), Vietnamien, Thaïlandais, Népalais.
ON AURAIT PENSÉ QUE LE MONDE S’ÉTAIT INVITÉ SUR CETTE TOUTE PETITE ÎLE QUI CONCENTRE 7.4 MILLIONS D’HABITANTS.
Les odeurs et les vapeurs des restaurants se mélangeaient de raviolis, ou nouilles au canard laqué, de brioches de viande, ou de brochettes de poisson, des jus de fruits pressés à la minute aux thés venus de toute l’Asie qui attisaient la curiosité de nos palais.
A Central, les trottoirs étaient étroits, la marche rapide et machinale, tout allait vite, et on se perdait aussi dans cette nouvelle cadence qui nous était imposée. Les cols blancs se pressaient en groupe ou seuls à l’heure du déjeuner pour enfiler un sandwich à emporter ou s’entasser dans ces restaurants où l’on devait se séparer par manque de place. Il fallait commander, préparer ses couverts, le temps de recevoir son plat, pour ensuite ingurgiter au plus vite son assiette et laisser la place aux suivants qui attendaient. C’était ça Hong Kong, une ville dictée par l’argent, le temps et l’espace.
TU COMMANDES, TU MANGES, TU PAIES ET TU TE CASSES.
Et surtout n’ose pas penser pouvoir prendre le temps de discuter avec tes collègues sous peine de te faire virer. Il fallait parler fort et vite. Fort, pour ne pas se laisser couvrir par le bruit des moteurs de la ville. Vite, et aussi de manière concise pour ne pas faire perdre de temps à ton interlocuteur. Car tout le monde a un truc à faire, un rendez vous, une opportunité, ou une affaire à saisir. Toi aussi, est ce que tu as déjà ressenti ça dans une grosse mégalopole où la vie est en avance rapide x8 ?
Parfois, je me plaisais à regarder autour de moi, les yeux levés pour mesurer l’immensité des hauteurs des grattes ciels. Redécouvrir une rue que j’avais déjà empruntée mais, cette fois, je l’examinais dans sa verticalité. Et quand je me surprenais dans ma pause, avec ces gens qui ne s’arrêtaient jamais, je replongeais de nouveau alors dans ces enjambées à grande vitesse. On était tous aspirés par ce rythme de pas, le regard droit, avec le même but, aller plus vite que son voisin.
C’ÉTAIT COMME UNE COMPÉTITION, UNE COURSE DE CELUI QUI ALLAIT ARRIVER LE PREMIER, MAIS POUR ALLER OÙ ?
Hong Kong m’impressionnait et me terrifiait à la fois, j’étais comme une marionnette qui se laissait manipuler par les fils de cette grosse ville. Une ville qui dicte sa manière de penser, de faire, de se mouvoir et d’être, sans qu’on prenne conscience qu’elle volait une partie de notre identité. Mon esprit était toujours occupé à penser aux prochaines activités de la journée, je me voyais dîner avec des amis tout en prévoyant celui du lendemain, à revoir ma to-do liste, à reprogrammer mes soirées dans un schéma qui ne laissait pas de place à l’imprévu. Tout se voulait optimisé et efficace.
J’étais prise dans une fréquence qui allait plus vite que ce que je ne pouvais donner. Lorsque je me trouvais seule à prendre le temps d’observer ce que je composais, je m’en voulais d’avoir gaspiller cette pause au détriment d’un acte qui aurait été plus productif.
PUIS, J’AVAIS RENCONTRÉ LE STÉRÉOTYPE DE L’EXPAT AMÉRICAIN D’ORIGINE ASIATIQUE.
Taïwanaise pour être plus précise. Il était en banque d’investissement, comme les 90% d’expats qu’on rencontrait en centre ville, 33 ans, propre sur lui. Il menait sa vie comme une partition de musique, alignée et rangée : le col blanc de 9 à 7, 7 à 8 le plat à emporter de blanc de poulet pour surveiller ses calories, ensuite enchaîner avec ses jeux vidéos ou une série, un temps pour swiper sur tinder et discuter avec ces filles qu’il invitera le weekend venu pour un verre, ou un resto.
Il y avait une répartition des filles, celle avec qui il pouvait aller en date, d’autres qui n’avaient pas franchi l’étape, mais chacune avait le droit à une note et des commentaires comme :
« ABC pour American born Chinese (Américaine d’origine Chinoise), UCLA , 3 ans à Hong Kong, Banque, aime les treks, sociable et bavarde, baisable, 7/10 ». Hong Kong était à son image : privilégier l’optimisation et l’efficacité, car tout va très vite, il ne faudrait pas se perdre à trop réfléchir, il faut juste maximiser son investissement et rentabiliser. J’avoue qu’il avait aussi ce côté américain, je me demandais si cela renforçait ce devoir de performance qui au final tendait à déshumaniser son quotidien ?
HONG KONG QU’ON APPELLE AUSSI LE NEW YORK DE L’ASIE.
Un territoire d’accueil, multiculturel, vieux et moderne, traditionnel et occidentalisé, où les populations les plus modestes côtoient les jeunes traders d’Europe ou d’Amérique et richissimes tycoons asiatiques.
Hong Kong se transforme au gré des saisons, s’adapte et se révolte aux partitions des politiques, et puise sa force et son émanation culturelle par les traditions chinoises, conservatrices, l’émancipation occidentale par le reflet de sa colonisation britannique et de sa terre d’accueil multiculturelle ouverte sur le monde. C’était aussi ça Hong Kong, des territoires composées d’îles montagneuses au climat subtropical, largement ouverte sur la mer de Chine méridionale, proie des typhons les plus violents.
TANTÔT JUNGLE URBAINE, TANTÔT REGORGEANT DE MONTAGNES VERDOYANTES, DE PLAGES AU SABLE FIN, OU DE VILLAGES DE PÊCHEURS COMME COUPÉES DU MONDE.
C’était une ville de contrastes, une ville des extrêmes, je me levais au brouhaha de la densité rue, ne sachant quelle était la couleur du ciel couvert de ses grattes ciels. Puis je me retrouvais à 20 minutes de bus, en randonnée au milieu des collines, de la brise et de ses rayons de soleil, pour finir ma journée près de la mer dans un village qu’on penserait du bout du monde. Une ville chaotique où il en ressortait une douce poésie.
La ville de Hong Kong m’impressionnait, me fascinait autant qu’elle me faisait peur. Elle débordait d’énergie, puisait dans la mienne et réussissait toujours à me surprendre. Elle avait en elle, une douceur, derrière ce masque d’enfant agité. Une poésie qui nous retenait le souffle pour plonger au plus profond de son âme meurtrie, amoureuse, joueuse et pacifique.
Il m’a fallu du temps pour l’apprivoiser, la comprendre, l’écouter. Je la détestais et je l’aimais en même temps, un sentiment bizarre, à chaque fois que j’y retournais. Souvent elle me manque, et je me dis qu’elle m’a giflée, forgée, blessée, construite.
Et vous, est ce que parfois avec le recul, vous vous dîtes aussi que les environnements les plus intenses, ceux qui vous bousculent et vous agitent sont aussi ceux qui nous façonnent le plus?
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Banh Mi Sounds – Collection villes d’Asie – Nous avons lancé un format de créations sonores avec Benjamin Pham, à la découvert de villes d’Asie.
Notre 2ème épisode raconte Hong Kong, basé sur ce texte sur lequel je pose ma voix et Benjamin compose la musique, réalise et monte l’habillage sonore. Pour écouter cette immersion audio de 6 min, RDV sur Banh Mi sounds – #01 Hong Kong, entre chaos et poésie