C’ÉTAIT MA PREMIÈRE FOIS À KHAO SOK.
J’habitais en Thaïlande depuis un an et demi, mais je n’avais pas encore exploré ses trésors cachés. Khao Sok en faisait parti. Situé au sud de la Thaïlande, entre l’île très touristique de Phuket et la province de Surat Thani, le parc national de Khao Sok est un trésor de nature révélant une dense forêt tropicale.
On dit que la jungle de Khao Sok qui s’étend sur 740 km 2, se trouve dans la zone la plus humide du pays, et compte parmi les plus anciennes forêts tropicales de la planète.
IL ME TARDAIT DE DÉCOUVRIR CE JOYAU ENCORE MÉCONNU DES FOULES DE TOURISTES.
Il nous aura fallu deux heures de trajet avec Sam pour rejoindre le Parc National de Khao Sok, depuis Bangkok. Une heure de vol puis une heure de route où l’on découvre petit à petit les montagnes de calcaire, et la densité de la jungle qui paraissait impénétrable.
On a l’impression d’évoluer dans un sanctuaire qui a été laissé intact depuis des milliers d’années. Il y a cette odeur fraîche de la jungle, de la pluie qui venait d’embrasser ses vallées, et cette sensation d’être minuscules dans l’immensité de ces forêts, des arbres à caoutchouc à perte de vue.
NIT, UN LOCAL DE LA RÉGION DE PLUS D’UNE SOIXANTAINE D’ANNÉES, EST NOTRE GUIDE POUR CETTE JOURNÉE DE TREK.
On communique avec des mots assez simples en anglais, mais le plus souvent par des regards et des rires pour simplifier notre langage.
À travers les chemins glissants, il s’arrête parfois pour être à l’écoute des secrets que la forêt lui murmure: un bruit dans les feuillages, pour les sauts des singes de liane en branche. Le chant des oiseaux qu’il reconnait pour identifier son espèce. Ou tout simplement son instinct pour nous avertir de la présence d’un serpent.
Tous les bruits provenant de la jungle sont une source de la vie. En suivant ses indications et en tentant de développer notre intuition, Sam et moi apprenons comment observer et écouter. Guide du parc depuis des décennies, il est ancré de racines profondes dans la jungle.
NIT NOUS APPREND QU’AVANT QUE LE PARC NE DEVIENNE UN LIEU PROTÉGÉ, IL Y CHASSAIT DANS SA JEUNESSE.
Je lui demande ce qu’il chassait à l’époque, il me répond :
« Des tigres et des éléphants. Des tigres parce qu’ils attaquaient les villages et des éléphants pour vendre l’ivoire. »
Nit, le chasseur de tigres et d’éléphants…Je suis fascinée et impressionnée par son récit.
Les pluies torrentielles de la mousson nous frappent, malgré ça, on continue aveuglés par les grosses gouttes, à s’enfoncer dans notre randonnée. Il connait ce labyrinthe comme sa poche et on se laisse conduire hors des pistes, sur son ancien terrain de chasse.
C’est un personnage unique, petit, fort, âgé, aux yeux perçants, ancien chasseur et dorénavant protecteur des animaux. Il coupe les branches qui nous font obstacle pour se frayer un chemin à travers la végétation épaisse, nous guidant sur des pentes boueuses en s’assurant qu’on soit toujours derrière lui.
JE ME SENS TRÈS RECONNAISSANTE D’ÊTRE GUIDÉE PAR CE NOUVEL AMI DANS CETTE JUNGLE MYSTÉRIEUSE.
Ça vous est déjà arrivés de faire ce genre de rencontre? Celle où vous vous sentez en totale confiance avec la personne dès les premières minutes?
On se laisse guidés aveuglément. Complètement trempés par la pluie, mais excités de cette aventure qu’il nous offre.
“Nit, qu’est ce que tu fais quand tu n’es pas dans la jungle? “
“Je m’occupe de mon jardin et de ma ferme.”
Ca titille ma curiosité, je me demande à quoi ça pouvait ressembler… Je sais déjà, au fond de moi, que ça devait être merveilleux. ll nous accompagne de son regard protecteur, et on ne cesse de découvrir toujours un peu plus de notre guide.
Il nous parle de son fils qui a suivi ses traces, et qui, lui aussi est devenu guide de randonnée dans le parc national, de sa dernière rencontre avec un tigre, une nuit, lors d’un campement avec un couple de visiteurs européens qu’il encadrait. Le tigre était passé à quelques mètres de leur tentes. On se regarde avec Sam, excités:”Il faut qu’on revienne pour camper dans la jungle nous aussi.”
On continuait notre marche laborieuse, trempés par la mousson qui n’avait pas cessé depuis le début de notre randonnée, les chaussures pleines de boue, et quelques sangsues qui arrivaient à se glisser sous nos vêtements qu’on assommait en les vaporisant d’anti-moustiques (une technique très efficace !). La randonnée prend fin après 6 heures de marche dans la jungle, et Nit nous emmène en voiture pour nous faire découvrir son habitat.
IL NOUS OUVRE LES PORTES DE SON JARDIN ET DE SA FERME.
C’était une terre vaste et isolée, entourée de plantations d’hévéas et de palmiers, une petite ferme avec des centaines de canards et coqs et un jardin animé avec des herbes aromatiques, curcuma, gingembre, romarin, ananas, durian, basilic, menthe …
Absolument tout pousse dans ce jardin bien rangé, béni par les pluies tropicales presque toute l’année…
Après la randonnée laborieuse, où l’on a franchi les pentes glissantes sous les averses, accompagnés par les bruits énigmatiques des animaux, les sangsues qui se collaient à nos chevilles,… je me retrouve là. Aussi ébahie qu’éblouie devant le jardin de Nit, qui se dresse devant moi comme un paradis.
TOUT EST SI HARMONIEUX, PACIFIQUE, ET DÉLICAT.
Il nous a ouvert les portes de son jardin comme un amoureux ouvre son cœur. On se sent sincèrement accueillis, comme si on appartenait à la même famille, et qu’on s’était donnés rendez-vous sur ces terres magiques.
Il était la représentation vivante de ce que je chérissais le plus depuis mon arrivée en Thaïlande: un sentiment de bienveillance, de protection, de bonté, de simplicité qui se transmet par un regard ou un sourire. C’était ça pour moi la Thaïlande. C’était Nit.
AU MOMENT DE NOUS DIRE AU REVOIR, NIT ME SERRE DANS SES BRAS COMME UN PÈRE EMBRASSE SA FILLE EN ESSAYANT DE CACHER SES LARMES TIMIDES.
Je gèle dans mes vêtements mouillés de la randonnée, tout en étant éprise d’une vague de chaleur, touchée par son habitat, son monde, sa gentillesse, sa bienveillance, et ma rencontre inattendue avec ce nouveau père adoptif.
Je dis alors à Sam : « On doit revenir ici au plus vite, et passer plus de temps avec Nit.».
À chaque fois que je me retrouve dans la nature, je repense à Nit. Tantôt à son âme sauvage, d’homme de la nature, tantôt, à son regard bienveillant en guise de protection.
Neuf mois plus tard, j’y retourne avec un couple d’amis. J’ai revu Nit, et sa famille. On était aussi émus que pudiques, puis on s’est pris dans les bras de l’un et de l’autre, comme lorsque l’on s’était quittés la première fois…Comme une fille qui retrouve son père.
Et je m’interroge encore, est ce que redécouvrir la nature et déconnecter de son quotidien amènent à être plus connectés avec ses sens, avec le monde et les gens que l’on rencontre?
Et vous, est-ce qu’il vous est déjà arrivés de faire l’expérience d’une connexion si forte avec quelqu’un que vous avez l’impression de le connaître depuis toujours ?
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