Nu Linh, la prometteuse étoile du RnB français

photo de l'artiste Nu Linh entouré d'illustrations en rapport avec ses chansons

Article écrit par Marion S. et Cédric Aubry. Illustré par Dianosaure.

On a écouté le tout premier album de Nu Linh (@nulinh), et on a été touché en plein cœur. Artiste que nous suivons depuis son EP “Chick & Dips”, on avait eu l’occasion de la voir défendre quelques-uns de ses titres lors de la première édition du festival Bisso Na Bissai. Alors, quand on a découvert son dernier opus, on s’est vite rendu compte que ce que l’on connaissait d’elle n’était qu’une mise en bouche et on a eu envie de vous partager le délice qu’est ce projet.

The Broken Hearts Club vol.1, un ADN R’n’B

À la première écoute de “The Broken Hearts Club vol.1”, l’univers et l’esthétisme qui se dégagent nous happent dans une bulle R’n’B comme on les aime et matche parfaitement dans notre bibliothèque musicale aux côtés d’Ocevne, Thuy ou encore Monsieur Nov (avec qui on verrait bien un feat à l’avenir).

L’inspiration R’n’B US des années 90-2000 est bien sûr très présente et bien mise en avant notamment avec le premier single sorti Heartbreak Hotel, reprise du son éponyme de Whitney Houston en featuring avec Faith Evans et Kelly Price.

Cette patte R’n’B à l’ancienne se remarque aussi dans l’une des interludes The Broken Hearts Request Line où l’on note une référence à Request Line” de Zhané. On sent que pour la construction de certains titres, elle s’est nourri d’artistes de l’époque, qu’elle écoutait certainement dans sa jeunesse.

D’autres morceaux comme T.O., en featuring avec l’artiste d’origine vietnamienne Cee, apporte une touche musicale plus actuelle dans les sonorités et les inspirations, et on le note notamment à l’écoute des traitements de voix avec une utilisation de l’autotune telle qu’elle se fait aujourd’hui. Globalement, sur la scène R’n’B francophone, la tendance à aller vers une esthétique et une musicalité R’n’B des années 2000 ressurgit (c’est le cas chez Eva ou encore Wejdene, qui ont récemment pris de nouveaux tournants artistiques qui ont une patte plus identifiée “R’n’B d’antan”). Le morceau Officiel illustre parfaitement cela avec une instru qui rappelle la New Jack des 90s.

Une belle “carte de visite” comme premier album

À travers TBHC vol.1, elle nous livre un album complet comme c’est parfois trop rarement le cas aujourd’hui. Un projet cohérent du début à la fin entrecoupé d’interludes qui lient le tout à la perfection et donnent un côté organique au récit. Un plaisir d’écouter cet opus d’une traite ! Par les prods, par les textes, par les histoires qu’elle raconte, Nu Linh dévoile la palette de son talent que l’on connaissait déjà, mais en grand format.

Pour ce projet de 21 tracks, elle s’est entourée de Yami, Natewkeys, Mamoyo, Mpablo, Neptüne et Cee ou encore Randy IV Real qui a collaboré avec de nombreux artistes émergents de la scène R’n’B ou confirmés comme Maud Elka sur le titre Comme toi.

illustration de baguettes avec écrit "qui de nous deux craquera en premier ?"

Ce premier album parle d’amour au sens romantique du terme comme c’est de coutume dans notre cher R’n’B, mais aussi d’amour dans son acception générique : l’amour envers ses proches, ses ami.e.s, ses parents et c’est particulièrement cela qui nous a marqué.

Son identité vietnamienne

L’originalité de cet album se révèle à travers l’affirmation de son identité vietnamienne. En effet, Nu Linh met en avant sa double identité de française d’origine vietnamienne. Elle se raconte au travers de ses histoires, de son rapport à ses origines, à ses proches et au monde, en somme, ce qui fait ce qu’elle est aujourd’hui.

Cette identité, elle l’hérite de ses parents et en réalité dès l’intro, on a déjà l’indice que son héritage familial va donner une certaine tonalité à l’album. 

Dès les premières secondes, dans Perle de Saïgon, on l’entend dire : 

“Mes parents ont fui le Vietnam en bateau ce qui, en soit, est déjà moins commun, et j’ai pas la même vie que mes amis. On a ouvert un restaurant familial ici, donc quand je rentre de l’école je vais les aider et entre deux clients j’écris des chansons d’amour.”

Cette toute petite phrase qui dépeint en quelques secondes son histoire familiale, en dit beaucoup sur tout le récit du projet et la dimension intime et à cœur ouvert avec laquelle Nu Linh se confie sur ses parents et leur manière d’aimer

À mi-album, la transition Yami skit (track 10) a eu une résonance particulière sur nos propres histoires familiales et beaucoup de personnes nées de parents vietnamiens pourront s’y reconnaître

“Ça m’a pris tellement de temps à comprendre que mes parents étaient des êtres humains, Le fait que ce soit des immigrés vietnamiens fait qu’on ne se parle pas beaucoup, on ne se dit pas beaucoup “je t’aime”. […] Il y a tellement de secrets dans les familles vietnamiennes. On parle pas. l’amour c’est nous nourrir, nous mettre un doigt sur la tête. On s’excuse pas non plus. Quand on s’excuse, on va te rapporter une assiette de fruits coupés, limite on va te la balancer.”

Cette interlude introduit le morceau Maman qui évoque le fait de finir par comprendre l’expression ou la non-expression des émotions exprimés par les parents, par pudeur ou protection. Faire à manger pour s’excuser ou témoigner de son affection est quelque chose que l’on peut retrouver chez beaucoup de parents ou familles issues de l’immigration. À ce sujet, Dinos disait par exemple dans son titre Du mal à te dire : “On a grandi comme au bled, nos parents, ils s’excusent pas : quand ils ont tort, ils nous font à manger”.

Photo de Nu Linh

Côté son, on le retrouve aussi dans certaines prods qui ont des sonorités venant d’Asie comme le super morceau Slow Down et l’outro, où l’on peut entendre du dan nhi, un violon à 2 cordes. Ce qui nous donne envie d’en voir plus pour la suite de la trilogie, peut-être espérer des morceaux en vietnamien, ou pousser cette identité vietnamienne sur les prods ?

De cette manière et en infusant de façon aussi affirmée des éléments de sa culture vietnamienne, Nu Linh offre un album d’une singularité certaine qui témoigne d’une vraie prise de risque. C’est aussi ce qui fait la force de ce projet et ce pourquoi il nous a touché.

Finalement, TBHC vol.1 est un album aussi personnel dans l’écoute que dans la réalisation. Nu Linh écrit et interprète mais est aussi compositrice sur certains titres autant qu’elle est à la manœuvre de la direction artistique et visuelle du projet. Elle a tout d’un diamant brut et elle le démontre sublimement à travers cette véritable carte de visite. On n’a plus qu’à continuer d’écouter en boucle The Broken Hearts Club, qu’on ait le cœur brisé ou non, et attendre patiemment un volume 2.

Pour suivre les actualités de Nu Linh, rendez-vous sur sa page Instagram : @nulinh

Ecouter l’album sur :

 

Photos © Laura Soleil

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