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Bold & successful : Portraits de 6 vietnamiennes inspirantes

mars 23, 202526 min read

Bold & successful by Bánh Mì x Kaarem : célébrer la femme vietnamienne dans l'espace public, de Paris à Los Angeles, en passant par le Vietnam

Bold & successful, c’est l’association de deux acteur.ices des questions d’identités et cultures d’Asie : Bánh Mì média qui explore le mélange des cultures occidentales et asiatiques, et Kaarem, marque de prêt-à-porter américano-vietnamienne présente lors de la Paris Fashion Week 2025. Plus qu’une simple collaboration, ce projet sublime six femmes franco-vietnamiennes inspirantes dont les métiers et les arts varient, mais dont les parcours se connectent pour former des histoires collectives. L’objectif ? Visibiliser, faire entendre, valoriser. Mettre en lumière ces femmes dans les rues de Paris, c’est prendre l’espace public en tant que femmes, femmes asiatiques et femmes vietnamiennes. La sororité et la façon dont elles se représentent ont un véritable impact dans la société, d’une échelle locale à internationale. Portraits de 6 femmes inspirantes.

1. Linh-Lan Dao, journaliste France Télévision et auteure

De l'héritage culturel du Vietnam au passage de témoin

Linh-Lan Dao en Kaarem ©Alessandra Huynh

Si je te dis femme vietnamienne, tu me dis… ?

amour | puissance | détermination

Linh-Lan Dao n’a jamais eu honte de ses origines vietnamiennes, sans pour autant les rechercher activement. C’est lorsqu’elle écrit son livre, Vous, les Asiates (mars 2025), qu’elle explore plus en profondeur l’histoire de sa famille. Journaliste, elle enquête pendant plus d’un an sur le racisme anti-asiatique en France, tout en se reconnectant à ses propres racines vietnamiennes

Sa génération est de celle qui possède aujourd’hui une double culture : vietnamienne et française. Et si elle espère que son livre inspirera les futures générations d’Asiatiques, c’est parce qu’un jour, son père lui a dit ceci : « Mon enfant, les larmes ne coulent que vers le bas. Ce n’est pas à toi de donner à tes parents. Tes parents t’ont donné et c’est quelque chose de naturel. Donc toi, tu vas donner à tes propres enfants. » Désormais, elle apprend le vietnamien, la langue de ses racines. Et lorsqu’elle se rend au Vietnam, elle se sent plus à l’aise qu’avant, plus légitime, plus entière. En France, elle est convaincue que les femmes asiatiques ont un rôle à jouer, ensemble, dans la société, à travers les arts, la culture et bien d’autres domaines. Cette sororité, elle l’a découverte en faisant la rencontre de Julie Hamaïde, fondatrice de Koï Magazine, au service d’un réseau de femmes asiatiques puissantes.

« J’ai été ravie de voir d’autres femmes qui n’avaient pas honte d’être qui elles étaient, qui n’avaient pas honte d’avoir du talent et de faire avancer les choses dans la société française. Je pense que ça a mis fin à une sorte de solitude et ça m’a donné une force énorme. »

Linh-Lan Dao a aussi vécu cette connexion au Vietnam grâce aux femmes de sa famille, car sa grand-mère « a fait le job ». En effet, cette dernière a régulièrement réuni tout le monde autour d’un repas avec de nombreux plats comme le bún thang, par exemple. Selon Linh-Lan Dao, savoir d’où l’on vient est primordial pour à son tour transmettre et ne pas être perdu.e dans la vie. C’est le passage de témoin. 


Linh-Lan Dao, Vous, les Asiates, Denöel (2025)

2. Mai Hua, réalisatrice

Le pouvoir d'une lignée de femmes vietnamiennes

« Je suis quelqu’un ». Ce sont les mots que la grand-mère de Mai Hua a prononcés lorsqu’elle a vu son film documentaire Les Rivières, et dans lequel on la voit. Cette enquête intime de 6 ans sur sa lignée de femmes l’a amenée à considérer les enjeux transgénérationnels de la mémoire familiale. Ce travail a valu à Mai Hua bien des obstacles à surmonter. Mais comme lui a toujours dit sa mère : « C’est quand la névrose est la plus forte que l’énergie est la plus brillante. » Cette créativité, elle l’a mise au service de l’amour et de ses racines vietnamiennes, avec lesquelles elle a grandi. Au service de son background.

Si je te dis femme vietnamienne, tu me dis… ?

« Je pleure dans mon cœur »­ | puissance | joie

Mai Hua en Kaarem ©Alessandra Huynh

« On a eu la chance d’avoir cet autre background, ce lien à la famille, ce respect des traditions. Ça m’a protégée d’une certaine mentalité coloniale, où l’on pense de facto qu’on a droit à quelque chose, sans même y réfléchir. »

Mai Hua a partagé cet héritage avec de nombreuses personnes. Des femmes ont trouvé des résonances dans ses projets conçus à la fois en tant que femmes et femmes issues de l’immigration vietnamienne. Pour cette réalisatrice franco-vietnamienne, ce lien aux femmes est puissant et permet le partage, la créativité et la joie. Avec deux de ses films crowdfundés, elle a pu mesurer l’ampleur d’une communauté à la fois d’inconnues, de journalistes et d’intellectuelles qui ont diffusé ses projets. Selon elle, cet effet boule de feu qui monte en puissance a été possible lorsque les femmes ont troqué la compétition et la jalousie forcenée contre leur effort d’amour collectif et leurs liens aux origines. Si comme sa grand-mère, elle « pleure dans [son] cœur », Mai Hua garde en elle une blessure générationnelle indéniable, mais dont elle n’a pas envie de se débarrasser. « C’est à cet endroit que j’ai pu créer du lien, du réconfort et de la réconciliation. »


Mai Hua, Les rivières (2020) ; Make me a man (2021) ; May Day (2025)

3. George Ka, musicienne et compositrice

Le partage de son origine vietnamienne au service des histoires collectives

George Ka en Kaarem ©Alessandra Huynh

Si je te dis femme vietnamienne, tu me dis… ?

regard | peau | lignée

George Ka est née d’une mère vietnamienne et d’un père français, mais dont elle ne connaît pas beaucoup la famille. Son enfance, elle l’a passé au contact de sa famille vietnamienne. Alors, pour elle, la famille c’est le Vietnam. « Il y avait quelque chose d’assez instinctif puisque c’était pour moi le rapport à la tendresse, à la famille, aux liens du sang. » Puis, elle a commencé à plonger un peu plus en profondeur dans son histoire familiale. Elle a compris peu à peu ce que signifiait être métisse. Sa chanson, Saigon, parle de la diaspora vietnamienne et de ces identités hybrides. Explorer les histoires individuelles, c’est aussi nourrir nos histoires collectives

George Ka a compris cela quand elle s’est rendue au Vietnam pour tourner son clip. Une façon de s’ancrer, de se reconnaître, de reconnecter avec les origines.

« Quand je dois faire quelque chose, je me demande : “Est-ce que ça me rend fière ?” Et quand je me souhaite quelque chose, souvent il y a la notion d’une “vie fière.” Pour moi, la fierté, c’est un peu synonyme d’alignement. »

Cette harmonie, elle l’a trouvé quand elle a réalisé que ses chansons résonnaient dans le cœur des autres. Quand elle a été fière d’avoir cherché à mettre des mots sur des sentiments un peu indicibles et de les montrer au monde. Cette fierté, c’est aussi le sentiment de se dire « t’as bien fait ». George Ka a bien fait de parler de ses racines vietnamiennes. Elle a bien fait de rencontrer cette amie à un festival, sans qui elle n’aurait pas écrit 2000 âmes, cette chanson sur l’amitié féminine. George Ka cultive la joie, comme une boussole qu’elle garde auprès d’elle. Elle est convaincue qu’en commençant par comprendre d’où l’on vient individuellement, on peut créer un cadre où des personnes au vécu différent peuvent quand même se reconnaître. « C’est là que l’humanité se crée : quand on arrive à ressentir de l’empathie et de la compréhension pour des personnes qui ont des itinéraires complètement différents. » 


George Ka, Les rebords du monde, album (2025)

4. Doan Bui, journaliste au Nouvel Obs et auteure

La déconstruction du silence pour reconnecter à son identité vietnamienne

Doan Bui en Kaarem ©Alessandra Huynh

Si je te dis femme vietnamienne, tu me dis… ?

quyền (puissance)

Comme pour beaucoup d’asie descendant.es, les parents de Doan Bui sont des enfants de la guerre. Ils ont cette force de vie inspirante pour les générations futures. Mais pour la plupart d’entre eux règne depuis toujours un silence. Le non-dit de la guerre, le non-dit pour bien s’intégrer en France. Journaliste depuis 20 ans au Nouvel Obs, Doan Bui se remémore ses premiers articles sur la communauté asiatique. « Le racisme anti-asiatique n’existe pas », lui dit la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA). Une affirmation qui est intimement liée à la façon dont est représentée la communauté asiatique en France, « invisible et discrète »

Selon elle, il s’agit là d’une façon très pratique de dire : « On ne veut pas vous entendre, on veut que vous fermiez votre bouche. » À 20 ans, elle a vu les femmes asiatiques à travers le prisme d’Hollywood et de la littérature américaine. Quand elle lit Un Américain bien tranquille (Graham Greene), elle remarque que l’héroïne s’appelle Phuong. Comme sa cousine. Mais elle est décrite comme un « oiseau qui pépie », comme une chose. Elle y voit alors des femmes qui ressemblent à celles de sa famille, mais qui n’ont pas la parole.

« Cette injonction à l’invisibilité, c’est quelque chose qu’on a toutes ressenti, de par être femme, et nous, en étant des femmes asiatiques avec ce cliché de femmes soumises qui ne parlent pas. C’est la double chape de plomb. »

Alors quand elle a voulu comprendre d’où elle venait, Doan Bui a décidé de sortir du silence et de faire entendre les récits qu’on avait invisibilisés. Elle en a fait un livre, Le silence de mon père, en exhumant des archives familiales, alors que son père, lui, a brutalement perdu la parole. L’aphasie avec laquelle ce dernier doit désormais vivre, c’est aussi le processus qui s’est mis en place pour Doan Bui quand, petite, elle a oublié sa langue maternelle : le vietnamien. « Cette aphasie-là, le fait d’avoir oublié ma langue, c’était une métaphore du silence qu’il y avait sur nos histoires. » En réapprenant le vietnamien, elle a réalisé combien son pays d’origine l’avait influencée dans sa façon de voir le monde. Aujourd’hui, elle est fière de pouvoir aider à raconter et valoriser ces histoires collectives, qui plus est avec des femmes inspirantes. « Ça fait un bien tel, d’être entourée de femmes asiatiques qui l’ouvrent, qui parlent et qui sont dans la force. C’est génial. C’est un merveilleux cadeau. »

Doan Bui, Le silence de mon père (2016) ; La Tour (2022) 

5. Ánh Trần Nghĩa, comédienne

La transmission des traditions du Vietnam comme valeur universelle

Anh Tran Nghia et son mari ©Alessandra Huynh

Si je te dis femme vietnamienne, tu me dis… ?

famille | respect

Ánh Trần Nghĩa s’est fait connaître sur la scène française par sa prestation dans Saigon, pièce de théâtre de Caroline Guiela Nguyen. Aujourd’hui, elle est à l’affiche du film Dans la cuisine des Nguyen, le premier long métrage de Stéphane Ly-Cuong. Mais sa vraie fierté, c’est sa famille. Voir ses enfants et petits-enfants grandir et mener une belle vie la rend particulièrement heureuse. Pour elle, un des principaux piliers de la famille est la transmission. À plus de 80 ans, elle a déjà dû dire adieu à ses parents. Alors à son tour, elle transmet son héritage vietnamien. « Il est essentiel d’avoir de bonnes valeurs et de les transmettre, pour que tes enfants et petits-enfants grandissent avec de solides bases pour mener leur vie », lui disait sa mère. 

Gravé en elle, ce conseil maternel l’accompagne au quotidien. Voir que ces valeurs se transmettent d’une génération à l’autre rend Ánh Trần Nghĩa heureuse et reconnaissante. Et parce que la famille est essentielle à ses yeux, elle tient à conserver ces liens solides qui l’unissent à ses frères et sœurs, à ses enfants et tous les membres de la famille. Ce lien passe entre autres par les traditions vietnamiennes, comme le Têt, où l’on honore les ancêtres.

« Truyền thống ông bà không phải cho riêng gì người Việt Nam không, mà cho tất cả mọi người. »

« Ce respect envers nos ancêtres, ce n’est pas seulement une tradition vietnamienne, mais une valeur universelle. »

Cette attention particulière aux traditions s’applique à la fois à la vie et à l’au-delà. Ánh Trần Nghĩa y voit là une façon de rendre hommage à ses proches disparus, en toute sagesse, qu’ils soient des membres de sa famille ou bien des amis. C’est l’application d’un profond respect. « La vie et la mort sont intimement liées, c’est pourquoi je le rappelle toujours à mes enfants et petits-enfants. »


Ánh Trần Nghĩa, à l’affiche du premier long métrage de Stéphane Ly-Cuong Dans la cuisine des Nguyen, mars 2025

6. Céline Pham, cheffe et propriétaire du restaurant Inari à Arles

La cuisine vietnamienne pour verbaliser ses émotions

Dans la famille de Céline Pham, on ne parle pas beaucoup. Alors, ses souvenirs avec sa mère et sa grand-mère passent surtout par des gestes, des attentions. C’est comme si elles lui demandaient : « Est-ce que tu as faim ? », « Est-ce que tu as bien mangé ? » C’est leur manière à elles de savoir si Céline Pham va bien. Leur manière de transmettre leur amour. Ce langage, Céline Pham l’a à son tour utilisé. Cheffe et propriétaire de restaurant, elle le démontre quotidiennement à travers sa cuisine.

Céline Pham en Kaarem ©Alessandra Huynh

Si je te dis femme vietnamienne, tu me dis… ?

souvenirs | amour | goût

« Les souvenirs, c’est ce qui me fait aller faire mon métier avec plaisir. Je m’imagine tout un vocabulaire de goût. Et ça, ça me ramène tous les jours à la mémoire de mes ancêtres, de ma grand-mère notamment. »

Selon elle, cuisiner, c’est exprimer cet héritage culturel qu’elle a toujours entraperçu à travers des récits de famille. Cela lui a aussi permis de travailler et développer son goût. Goûter. Découvrir. Ressentir. « Chaque fois que tu goûtes un nouveau fruit, fais un vœu ! », lui a toujours dit sa mère. De quoi avoir le choix ! Cette culture, c’est aussi l’image d’une table remplie, « sans aucune contrainte et un bol de riz comme une page blanche sur laquelle on peut dessiner les goûts qu’on aime et qu’on veut ». Et pour elle, cela vaut tous les cours de cuisine à l’école. Aujourd’hui, Céline Pham n’est plus « cachée en cuisine », elle cuisine en son nom. En 2015, ses parents sont venus déguster son menu lors de sa première résidence à la Table Ronde. C’est l’un des plus beaux repas qu’ils aient mangés. « J’étais envahie de fierté. »

 

Céline Pham, cheffe et propriétaire du restaurant Inari, Arles. 

Le mot de Linda Nguon, fondatrice de Bánh Mì Média

Linda Nguon en Kaarem ©Alessandra Huynh

On voit de plus en plus de femmes asiatiques médiatisées aujourd’hui. C’est un début, il faut continuer de les promouvoir. On a ressenti un besoin de connexion à nos racines, à notre héritage. On a donc voulu mettre en avant cette France culturellement riche à travers ses origines et cultures diverses.

« En grandissant en France, je ne voyais personne dans l’espace public à qui je pouvais m’identifier. Aujourd’hui, je veux rendre visibles les femmes vietnamiennes, les femmes qui déconstruisent, les femmes qui nous inspirent, les femmes qui créent un impact dans la société. » 

C’est une des raisons pour laquelle Bánh Mì a été créé : aller à la rencontre de ces personnes. Comment oser raconter son histoire, créer un mouvement culturel, économique et social ? On a voulu nourrir la puissance du soft power des créateurs, artistes, journalistes, etc. Derrière ces notions de transmission, rencontre et sororité émerge un sentiment de fierté, d’accomplissement et de dépassement de soi

Cette collaboration avec Kaarem, c’est la volonté de travailler avec une marque qui rend hommage à l’héritage vietnamien et permet une reconnexion avec nos racines. Kareem, fondée par Kathy Bach et Chuong Pham, fait le pont entre les diasporas vietnamiennes des États-Unis et le Vietnam en créant des pièces au design contemporain, inspirées par l’artisanat vietnamien, comme les finitions faites à la main suivant la méthode du point aveugle. Une mission similaire à celle de Bánh Mì qui à travers son contenu crée ce lien avec les diasporas asiatiques présentes en France.

George Ka et Mai Hua en Kaarem ©Alessandra Huynh

Mai Hua, Linda Nguon et George Ka en Kaarem ©Alessandra Huynh

Linda Nguon en Kaarem ©Alessandra Huynh

George Ka en Kaarem ©Alessandra Huynh

Céline Pham en Kaarem ©Alessandra Huynh

Anh Tran Nghia et son mari ©Alessandra Huynh

Article écrit par Clémence Viola

Traduction et transcription vietnamien-français par Anne Sophie Sin et Khanh Ngan Tran

Crédits

Original creation by Bánh Mì Média
Bánh Mì creatives Zoé Renard, Diana Lim, Hieu Huynh
Photographer Alessandra Huynh
Makeup artists Viet Cuong Hoang , Caliane Um
Interview Linda Nguon
Éditorial Clémence Viola
Transcription and translation Clémence Viola / Anne Sophie Sin, Khanh Ngan Tran (Vietnamese)
Production Oceane Ranjeva, Caroline Nguyen, Linda Nguon
Collaboration Kaarem and Bánh Mì
Special thanks to le Consulat Voltaire and Mai-Linh, Nonette and Pearl Lee

Instagram accounts
Original creation by @banhmi.media
Banh Mi creatives @sacreezoe @nyu_uei @_dianakhaylim
Photographer @alessandra.huynh
Makeup artists @vietcuonghoang @cali.lovemakeup._
Interview @lindanguon
Transcription & translation @clemviola / @iamquynhtram (Vietnamese)
Production @oceaneranjeva @cn_thao @lindanguon
Collaboration with @kaaremvn
Special thanks to @leconsulatparis @mlh.pht @nonettebanhmi @thehoodparis @pearleeshells

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